Plongée Radicale
Mercredi 23 novembre 2016, je quitte la tranquillité de Melaka pour l’inconnu Kuala Lumpur.
Je me rend de bon matin à Dutch Square pour prendre le bus 17, celui qui fait la navette entre le centre-ville et le dépôt de bus, Melaka Sentral.
Les joies de l’Asie du Sud-Est ?
Ne jamais être sûr de rien !
J’ai eu beau piocher la veille des informations sur des dizaines de sites internets, de blogs, aucun ne donnait un point de rendez-vous fixe pour ce bus. L’orde de précision s’arrêtait à Dutch Square. Mais il est un peu grand ce square !
Dans le plus grand des hasards, je croise sur ma route un petit office de tourisme.
Ce dernier saura lui me guider !
Je me montre étonné par la modernité du bus, qui pourrait très bien être en service dans nos contrées sans faire tâche.
Arrivé à Melaka Sentral Bus Terminal, je fais le tour des guichets qui proposent un trajet vers Kuala Lumpur.
Difficile de vraiment dissocier les différences entre les compagnies, je me décide alors à donner sa chance à celle répondant au nom de Delima. 10 ringgits le ticket, je ne vais pas encore me ruiner !
Il faut 3 bonnes heures pour relier les modestes 120 km qui séparent Melaka de la capitale.
La route fut donc longue, et soporifique.
J’avais noté tout un plan de bataille la veille pour savoir comment rejoindre mon airbnb.
Et j’ai bien fait, car il est assez dur de se repérer aux premiers abords dans Kuala Lumpur. Capitale oblige, la ville est grande, et en plus les quartiers sont assez éclatés les uns des autres.
J’arrive en début d’après-midi dans la périphérie sud de Kuala Lumpur, au Terminal Bersepadu Selatan (ou TBS).
Cette immense gare moderne et lumineuse est un noeud important dans le dense réseau de transport de cette ville. Avec pas moins que 6 étages, il y a de quoi se sentir vite perdu !
Le terminal grouille de monde.
Des guichets à n’en plus finir où les gens font la queue, ainsi que des dizaines de bornes automatiques elles aussi prisent d’assaut.
Mon champ de vision est constamment obstrué par des panneaux indiquant les connexions possibles pour rejoindre les différentes lignes de bus, métro et train. Il y a de quoi perdre la tête !
Vous l’aurez deviné, vous commencez à me connaître, avant d’affronter cette jungle, j’ai besoin de quelques forces.
Je prend donc un escalator pour atteindre le 4ème étage, là où se cache le food center.
Je résisterais à l’appel du pied des quelques fast food occidentaux présents pour me rendre dans un grand self-service, où je pourrais faire mon choix entre pleins de plats locaux bons et pas chers !
Isolé sur une table, mes 2 backpacks de travers sur le sol, je profite de mon repas exotique l’esprit léger.
Content d’arriver à m’en sortir dans ce nouveau pays. Content de vivre cette folle aventure asiatique.
Je reprend ensuite mes sacs à dos, qui ont toujours pour effet d’attirer les regards sur moi.
Direction la station KTM Komuter !
Comment précisé plus haut, plusieurs systèmes de transports en commun se trouvent dans cette gare.
Je choisirais donc le moins onéreux, en prenant un train du réseau KTM. De passerelles en passerelles, je veille à suivre le bon chemin, et à ne pas me tromper avec l’autre réseau de train, RapidKL.
Le prix est en effet édifiant.
Moins de 3 ringgits pour mon trajet !
Soit moins de 0,63 centimes d’euros.
Je fais connaissance en même temps avec le cocasse système de ticket, qui se résume en un jeton, qu’il faut faire passer devant un capteur pour ouvrir le tourniquet.
Sur le quai, en attendant le train, une pluie dense s’abat sur nous.
Protégé sous un abris, elle ne me dérange en rien. Avec mon look de baroudeur qui ne passe pas inaperçu, je ressens plus que jamais ce doux souffle chaud de l’aventure.
Une fois dans le train, comme à Melaka, le mix de population a le don de m’étonner.
Les musulmanes toujours voilées, à la différence de leurs compatriotes d’origines chinoise et indienne.
Beaucoup de femmes d’ailleurs dans la rame où je me trouve.
Je m’apercevrais après coup qu’elle est réservée…aux dames justement !
Fort heureusement, je n’étais pas le seul homme à enfreindre la règle dans cette rame.
Je me sentais assez gêné, au vu des moeurs locales (l’islam étant la religion d’Etat), mais mon allure de touriste me rassurait un peu. Etant un nouvel arrivant, ils (elles ?) pouvaient bien comprendre que je m’étais trompé de bonne foi ! Et que de toute façon, avec mes 2 énormes sacs sur moi, si j’avais voulu tenter quelque chose de louche, j’aurais été plus discret !
La ligne que j’emprunte, la Padang Seremban, suit une direction nord-ouest.
Je m’arrête 5 arrêts plus loin, à la station Kuala Lumpur. Cette dernière, au nom trompeur, se trouve en effet encore assez excentrée du centre-ville, mais l’arrêt suivant, Bank Negara, m’en éloigne définitivement.
Arrivé à destination, j’ai à peine le temps de regarder un de mes plans qu’une forte pluie s’abat sur les toits.
Je ris jaune, car je n’ai rien pour me protéger. Comme un lion en cage, me voici forcé à patienter une bonne vingtaine de minutes sur le quai, le temps que la pluie se calme.
Qu’elle se calme juste !
Je n’aurais pas la patience d’attendre qu’elle s’arrête.
Et bien maintenant…
Que la galère commence !
Je perdrais déjà 10 minutes à simplement trouver comment sortir de la station, retombant irrémédiablement sur un des 2 quais. Me fatiguant déjà à monter et descendre les mêmes marches, sous cette chaleur humide des plus inconfortables.
Une fois sortie, comme prévu, je dois me diriger vers l’est, et pour cela je dois traverser la rivière Klang.
Sauf que le pont piéton que j’avais repéré sur mon plan, à la station Pasar Seni, est en fait réservé aux utilisateurs du métro de la ville. Il faut franchir un tourniquet pour y accéder ! Je n’allais donc pas payer un ticket de métro, même à un prix ridicule, juste pour franchir un pont.
Je me retrouve ainsi bloqué comme un benêt sur une rive, sans possibilité immédiate de passer sur l’autre.
Je redescend en direction de la station Kuala Lumpur, croise des ponts routiers sans accès piéton que je maudis. A tâtons je descend la rive, allant d’échecs en échecs, jusqu’à trouver presque par miracle enfin une voie piétonne traversant la rivière Klang.
Bon une chose de faite !
Je peux enfin reprendre une direction nord pour me rapprocher de Chinatown, là où se trouve mon airbnb. Je reprend tant bien que mal mes repères, en arrivant face à l’entrée de Kasturi Walk, un petit marché aux puces que j’avais remarqué durant mes repérages.
Plus que quelques pâtés de maison à faire pour accéder à la rue (Jalan) Petaling, mais je vais tourner encore plusieurs fois en rond. Chinatown est composé de toutes petites ruelles, sombres et plutôt insalubres. Et à force de faire mes tours et de ne toujours pas trouver mon chemin, le doux souffle chaud de l’aventure que je ressentais jusque là se transforme en une certaine angoisse. Je me sens vulnérable, dans un univers tout sauf accueillant.
Après encore plusieurs allers-retours où je pesterais contre moi-même à ne pas trouver cet hôtel qui est censé se trouver tout près, j’arriverais à retrouver mon nord du sud, littéralement, me permettant de dénicher enfin Jalan Petaling.
Cette rue est très obscure.
De plus, la voie est entièrement occupée par des stands. Un marché est entrain de se monter sur toute la longueur de la rue, et il est bien difficile de s’y déplacer.
Les installations du marché incluent également de grands chapiteaux, qui bouchent ainsi la vue sur les murs sur plusieurs mètres. Trouver une adresse dans ces conditions devient juste épique !
Pour pallier à ce problème, les nombreux hôtels du coin ont installé leurs enseignes très hauts sur leurs façades.
Ces nombreuses affiches lumineuses, dans cette rue morne et poisseuse, me plongeraient presque dans Blade Runner, les voitures volantes en moins. Si bien que l’angoisse que je ressentais se dissipe doucement tellement cette scène à laquelle j’assiste est iconique.
Hotel Chinatown 2.
En blanc sur un fond bleu.
Enfin me voici arrivé !
Comme décrit sur l’annonce, ce airbnb est un hôtel, qui est assez grand avec ses 6 étages.
Le front desk est imposant et étendu. Ce dernier est contenu dans une immense pièce, adjacente à une partie salon avec télévision et canapé. Au sol, du carrelage.
Un certain standing s’en dégage.
Je m’amuse assez de la situation. Etant plus habitué à des auberges !
Je m’approche à reculons de la réception, mon check in ne devant se faire que quelques heures plus tard.
Je pensais m’écrouler sur le canapé en attendant mais ma chambre est déjà prête !
Une fois les clefs en mains, je monte à l’étage 3 par le biais d’un ascenseur.
J’accède à un grand couloir avec une multitude de portes.
Lorsque je pénètre dans ma chambre, je perd 10 degrés et je respire de nouveau !
La climatisation est bien trop forte mais pour le moment je savoure, en balançant mes sacs auprès du lit.
La chambre est exiguë, mais j’ai l’essentiel : un lit (de 2 personnes !), une salle de bain, un wifi du tonnerre et une très grande propreté générale.
Pour seulement 9 euros la nuit, c’est assez imbattable pour une chambre privée.
Le seul hic c’est que je ne possède pas de fenêtre, comme précisé sur l’annonce. Sans être claustrophobe on peut vite se sentir emmuré, mais avec mon ridicule budget, cette chambre fera une parfaite base de lancement pour découvrir Kuala Lumpur.
Je me prend une bonne douche, puis je me pose enfin sur mon lit, histoire de récupérer un peu.
Après cette arrivée éprouvante émotionnellement, où j’ai oscillé entre la joie de barouder et un nouveau micro choc culturel l’espace de quelques minutes, j’apprécie de me retrouver seul, au calme, pour me ressourcer un peu. Avec une porte fermée à clef.
J’ouvre bien vite mon laptop pour préparer mon plan de bataille pour demain.
Que faire ? Que visiter ? Qu’est-ce qui vaut le coup ?
Dur à trancher devant la masse d’informations que je récolte.
Je fais une petite sélection, et dans le même temps j’aperçois sur un groupe facebook de voyageurs en Malaisie le message d’une fille qui se trouve actuellement sur Kuala Lumpur et qui recherche des personnes pour visiter la ville.
Ne savant pas vraiment par quel bout attaquer KL (Kuala Lumpur), je me dis qu’un peu d’aide ne fera pas de mal.
J’entre ainsi en contact avec elle, et on se donne rendez-vous le lendemain matin.
Oui KL, parfaitement !
Ce n’est pas pour faire cool que j’utilise ce terme, c’est juste un diminutif très utilisé par les locaux. Mais qui est très classe il faut bien l’avouer !
En fin de journée, je quitte ma chambre pour faire un tour dehors.
A peine le temps de traverser la porte que toute la lourdeur du climat s’abat de nouveau sur moi. Seules les chambres sont climatisées et vous le ressentez tout de suite.
Dehors, la nuit est tombée mais sans la fraîcheur.
Et je constate que la petite fourmilière que j’avais laissé en début d’après-midi a bien travaillé.
En effet, toutes les installations qui étaient en cours de montage sont désormais montées.
La rue entière est donc occupée par des stands. Des centaines d’étalages proposant des produits contrefaits : t-shirts, montres, ceintures, sacs, accessoires de téléphone, faite votre choix !
J’apprend sur le fait accompli que la rue où je me trouve, Jalan Petaling, est célèbre pour ce night market, qui se déroule tous les soirs. Je croise donc beaucoup de touristes qui viennent y flâner.
Cette scène est vraiment surprenante.
Les voies pour traverser le marché sont ridiculement étroites, et y circuler ressemble assez au parcours du combattant. Pour se déplacer il faut jouer des coudes avec les badauds, esquiver les articles en ventes qui trainent à toutes les hauteurs tout en évitant les vendeurs qui vous haranguent. Une anarchie organisée, mais qui évidemment a son charme, tellement cela semble invraisemblable.
Très haut dans le ciel, une verrière est présente, venant recouvrir la rue.
Un peu plus bas, des lampions rouges viennent égayer l’atmosphère et vous rappellent que vous vous trouvez à Chinatown.
Les rues adjacentes sont parcourues de food stalls.
Les locaux ainsi que les touristes arpentent assidument ces lieux, ces rues.
Allégé de mes 2 sacs, mon porte-monnaie sagement rangé dans mon sac banane, je suis serein pour découvrir Kuala Lumpur. Je ressens un choc culturel, mais celui-ci n’est pas paralysant. J’apprend simplement.
Comment pourrait-il en être autrement ?
Il faut s’habituer à ces petites rues d’aspect sinistres et sales, où pourtant on y mange, on y marche et on y vit.
S’habituer à ce mélange culturel, où vous croisez aussi bien des malaisiens musulmans, chinois et indien.
S’habituer aux odeurs fortes dès que vous mettez le pied dehors.
S’habituer au bruit, omniprésent, entre les cuisines de quartier sur le trottoir, la foule et le traffic routier tout proche.
J’arrive justement sur une grande artère, Jalan Tun Sambanthan, où c’est le far west complet.
Voir les passages piétons qui ne sont pas du tout optimales pour les larges voies qu’il y a à traverser. Observer les locaux franchir les voies dès qu’ils trouvent un bon timing pour passer, au mépris du danger. Etre obligé de faire comme eux sinon j’y passerais la nuit.
Et cette chaleur, toujours aussi étouffante…
Je le précise souvent, mais il faut bien comprendre que c’est une gêne au quotidien. Un dépaysement qui se rajoute au dépaysement.
Comme explicité plus haut, vous devez vous familiariser avec un nouvel environnement : odeurs, lumières, infrastructures, etc… Et cette chaleur se rajoute à tout cela. Telle une chape de plomb qui s’abat sur vous. Un poids que vous trainez.
Ce petit tour nocturne fut donc fort en découvertes, mettant mes sens aux aguets.
Ce quartier bouillonne, gronde. Comme lors de l’arrivée d’un provincial à Paris qui se sent perdu et étourdi par la dimension de la capitale, je ressens la grandeur étouffante de Kuala Lumpur. Sa démesure. Sa folie urbaine.
J’ai l’impression de me trouver dans une immense cocotte-minute.
L’effet que doit produire n’importe quelle capitale de l’Asie du Sud-Est pour un occidental n’ayant pas encore l’habitude de cette région du monde.
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