Baisser de rideau
Vendredi 11 novembre 2016, l’heure pour moi de mettre un terme à mon exploration de Bali.
Il me reste encore 6 jours à passer sur l’île, mais j’arrive à un point où sans posséder mon propre moyen de locomotion, se déplacer devient difficile.
6 jours, c’est long et c’est court en même temps.
Je ne me vois pas partir à l’arrache et essayer par tous les moyens de me rendre à l’ouest à Balian Beach.
Chose faisable, mais encore faut-il réussir à revenir à temps à Kuta pour ne pas rater mon vol pour Singapour.
A l’est, l’île de Lombok, plus sauvage que celle de Bali, est aussi forte attrayante, mais le problème reste le même.
Pour m’y rendre, je devrais emprunter un bateau, et vu la fiabilité des engins, je n’ai pas envie de prendre le risque de me retrouver coincer. Lombok a beaucoup à offrir mais là encore 2 jours sur place sans un scooter seront 2 jours où je ne vais pas profiter beaucoup.
Je décide donc sagement de retourner à ma ville favorite, Ubud, et de m’y la coller douce, sans courir à droite à gauche.
Sans stress, en mode vacance et non en mode backpacker.
Encore faut-il que je trouve un moyen de transport pour m’y rendre !
En effet, perdu dans ma guesthouse entre Munduk et Bedugul, peu d’options s’offrent à moi.
En prenant mon petit déjeuner dans la salle commune, je me fais à l’idée de réserver un taxi en passant par le front desk.
Cela tourne autour de 400 000 roupies (30$). Ca pique assez mais je n’ai pas d’autre alternative…
J’entend alors un couple demandant des informations à ce sujet à la gérante de l’établissement.
Eux aussi souhaitent se rendre à Ubud.
C’est bien ma chance !
Je me rapproche alors de ces derniers, les informants que ma prochaine destination sera également Ubud.
Partager la note par 3 au lieu de 2, cela les intéresse grandement !
Je me retrouve ainsi assez soulagé, ne devant finalement pas payer plein tarif mon taxi.
Le temps de chercher mes sacs et de revenir à l’accueil, un autre client se montre également intéressé pour nous suivre. Le hasard fait finalement bien les choses ! Je n’aurais ainsi qu’à débourser une somme vraiment modique pour ce trajet.
Une heure et demie plus tard, à travers des petites routes escarpées, où notre bolide arrivera à se frayer un chemin comme un assassin, au milieu des scooters et de quelques camions qui peinent à descendre des chemins sinueux, nous arrivons à Ubud.
Revenir dans un endroit que vous connaissez déjà est toujours le même plaisir.
Malgré les 30 degrés étouffants, je me sens comme un poisson dans l’eau. A savoir où je vais, tout en refusant toutes les sollicitations qui me sautent au visage.
Je me sentais tellement en confiance que je n’avais même pas réservé quelque chose pour la nuit, imaginez donc !
J’avais repéré une auberge lors de mon dernier passage à Ubud, je me dirige ainsi vers The Style Hostel.
6$ la nuit, le prix est imbattable, mais comme je l’avais imaginé, un hostel à Bali ne vous procure pas une grande sérénité.
L’hostel a beau être moderne, les casiers sont ridiculement petits et pas des plus robustes.
De plus, le dortoir, qui se situe à l’étage avec un haut plafond, est une porte d’entrée pour les moustiques, vu que les portes sont tous le temps ouvertes. Des petits appareils produisant une lumière bleu sont présents un peu partout dans la pièce pour les attirer. La nuit est donc rythmée par le bruit que font les bestioles lorsqu’elles se brûlent dans ces pièges !
Plus inoffensif mais tout aussi surprenant, la salle de bain, adjacente au dortoir, est le lieux privilégié des geckos.
Ce petit animal a beau être mignon, on a pas trop envie de le croiser dans son wc lorsque l’on pose une pêche ou durant une douche. Même hors de la salle de bain, son déplacement sur les murs et le plafond ne sont pas des plus discret et ainsi résonne dans toute la chambre !
Je vais ainsi vite essayer de me trouver autre chose.
En attendant, je sors dans la pénombre me fumer une cigarette, où je fais la connaissance d’un jeune philippin. Il commence également un mini trip en Asie, et il compte se rendre à un spectacle de danse.
En effet, Ubud est réputé pour ce genre de performance.
De nombreux spectacles ont lieu tous les soirs. Les prix des tickets ne sont pas extravagants, mais avec mon budget serré c’est quelque chose que je devrais zapper…
Heureusement Bali est plein de surprise et j’arriverais à assister à un spectacle d’un autre genre !
Ainsi, 2 jours plus tard, j’arrive à trouver une guesthouse de disponible sur airbnb.
Elle se situe sur Jl. Sugriwa, la même rue que la première où j’étais lors de mon arrivé, mais plus au sud.
Une fois emprunté un long couloir, j’accède à une grande cour, où plusieurs petites bâtisses traditionnelles sont présentes.
Je dormirais dans l’une d’entre elle. Confort assez spartiate, douche délabrée et à l’eau froide, mais pour 10$ la nuit, il ne faut pas s’attendre à mieux ! Je ne fais donc pas le difficile.
La famille qui tient l’affaire, et qui vit dans la même cour que vous, est encore une fois très accueillante et généreuse.
La mère de famille, seule à mon arrivée en début de matinée, me propose tout de suite un café que je pourrais savourer sur ma petite terrasse. Et qu’on y est bien sur cette terrasse !
Après ces 2 jours dans le froid de Munduk, je re-profite pleinement de me retrouver de nouveau dans la fournaise.
Le soleil qui sèche enfin mes chaussures de randonnées encore toutes trempées de mes dernières aventures, et pour supporter cette chaleur, je renfile un short qui m’avait manqué, pied nu sur le carrelage.
Je rejoins vite la mama sur sa terrasse, la voyant s’activer comme un petite abeille.
Elle confectionne à la chaîne des petits réceptacles en bambous.
Le sourire jusqu’aux oreilles et une bonne humeur communicative qui vous réchauffe le coeur.
Son anglais a beau être très limité, cela ne nous a pas empêché de passer de bons moments ensemble.
Sur la cour principale, de nombreuses statues, de la verdure, et au fond, toujours ces imposants bâtiments richement décorés et vides, typique des habitations balinaises. La tranquillité règne ici, et cela tombe bien, c’est cela que j’étais venu chercher. Ces quelques jours ici furent ainsi reposants et un véritable délice.
En déambulant dans Ubud, je retrouve avec plaisir mes adresses préférées.
Je me sens enfin à ma place dans ce pays, dans cette culture.
Ne prenant que le bon et occultant le mauvais.
Un soir, en rentrant d’un de mes petits restaurants de quartier favori, je croise une cérémonie religieuse qui prend place directement sur la rue Jl. Sugriwa. La moitié de la rue est bloquée !
Il faut dire qu’ils ne font pas les choses à moitié, avec l’installation d’un grand chapiteau, de tapis sur le sol et tout un tas d’autres décors. A l’extérieur, un nuage de 2 roues garés. A l’intérieur, une nuée de Balinais habillés en tenu traditionnelle.
Un attroupement difficile à manquer.
Sarong blanc immaculé pour les hommes, de couleurs pour les femmes.
Un code de couleur que les enfants respectent également !
Impossible de résister à ces petits bouts de cul tirés à 4 épingles !
Ces derniers sont d’ailleurs au centre de la cérémonie de ce soir me semble t’il.
Tous assis sur un tapis vert, assistant à la danse envoûtante d’un homme grimé en divinité portant un masque et une tenue haute en couleur.
Pour rythmer sa chorégraphie frénétique et désarticulée, il est accompagné d’un véritable orchestre, appelé gamelan, jouant sur des instruments de musique traditionnels.
Je n’ai ainsi pas pu assister à un spectacle de danse à Ubud, mais j’aurais réussi à être témoin d’une cérémonie tout aussi lyrique ! Par le plus grand des hasards, dans la nuit moite de Bali, au plein milieu d’une rue.
Je sens mes dernier jours sur cette île arriver et je commence de plus en plus à savourer cette culture si singulière, où les rites religieux sont multiples et débordent d’énergie positive.
Mes derniers jours sur Ubud furent sous le signe de la farniente, profitant des petits plaisirs simple de cette ville, mais également de la gentillesse des locaux. Comme le père de la famille de mon accommodation.
Ce dernier, comme sa femme, a la bonne humeur communicative.
Je lui demanderais lui aussi s’il pouvait m’arranger une randonnée nocturne sur le mont Agung. Mais comme pour mon premier hôte dans cette ville, jamais assez de candidats se sont manifestés pour organiser cette expédition.
Deux jours avant mon vol pour Singapour, je décide de me rapprocher de l’aéroport et donc de prendre un bus pour Kuta. Retour à la case départ ! Je pousserais même le vice à booker mes dernières nuits au même hôtel où j’avais passé mes premières. Ce n’est pas byzance mais cela reste tout à fait correct, et ainsi au moins je saurais où je met les pieds !
J’avais une réelle curiosité et excitation à l’idée de retourner dans ce bouillonnant district.
Après le tel choc que j’ai reçu en arrivant, je me demandais bien si j’avais passé un cap ou non.
Ubud est une chose, Kuta en est une autre…
Mais fort heureusement, de nouveau choc, il n’y en a pas eu.
Et par choc, je parle bien de choc culturel.
Arrivant enfin à comprendre ce qu’il m’était arrivé.
Tellement de choses vous tombe dessus une fois vos pieds posés en Asie du Sud-Est.
La chaleur lourde et étouffante qui met votre organisme et votre motivation à rude épreuve.
Le taux de change de la monnaie que vous devez assimiler.
Vous avez beau savoir que 100 000 roupies cela ne vaut rien, votre cerveau aura toujours des réticences à utiliser autant de grosses coupures. Ce n’est pas naturel.
Le fait de devoir s’approvisionner en eau constamment, que ce soit pour consommer ou simplement vous laver les dents.
Ce ne sont que des détails, mais qui correspondent à autant de petites agressions qui viennent s’accumuler, or que vous avez tellement d’autres choses à assimiler en même temps.
Comme l’organisation urbaine.
Au départ, tout vous parait un véritable souk, désarticulé et glauque, avec un manque de sécurité palpable.
Mais où manger ? Où faire ses courses ? Où dormir ? Où prendre un bus ?
Il faut tout réapprendre.
Et les conditions pour cette apprentissage ne sont pas idéaux dû aux sollicitations incessantes que vous recevez dès que vous mettez un pied dehors.
Impossible de vous cacher avec votre peau blanche, vous vous sentez ainsi épié en permanence.
Cette situation est très usante moralement.
Ainsi, mes premiers jours à Bali furent une vraie épreuve, à laquelle je ne m’étais pas du tout préparé, que je n’avais pas du tout anticipé.
J’ai réussi à vaincre ce choc culturel, et, tel un vaccin, j’étais maintenant immunisé pour le reste de mon voyage.
De la bouillonnante Bangkok aux petits villages reculés du Laos, je n’ai plus jamais ressenti de nouveau ce mal-être, ce déboussolement.
Je me suis baladé partout, à toute heure, appareil photo en bandoulière. Sans crainte, seulement avec une vigilance plus importante que dans un pays occidental. De toute manière, sans même parler de vol ou d’agression, rien que de se déplacer en ville demande une vigilance toute particulière, car les scooters déboulent dans tous les sens ! C’est aussi une habitude à prendre.
Bref, je vis donc mes 2 derniers jours à Bali de manière sereine.
Et ils seront l’occasion pour moi de faire connaissance avec une locale.
Par le biais de Tinder ! Cette application rythmera mon séjour en Asie, mais j’y reviendrais plus en détail.
Ayant testé cette application sans succès en Australie, j’ai retenté ma chance à Kuta, sans réel espoir.
Et c’est alors que je reçois un match !
Je commence à envoyer des messages pour faire connaissance avec cette fille, Siti, une jeune indonésienne, et très vite, on s’entend pour se voir a mon hôtel, ne trouvant pas d’autre lieu au calme où se rendre.
En début d’après-midi, nous nous posons autour de la piscine extérieur.
Une chaleur étouffante, et sa venue fera grimper la température encore de quelques degrés supplémentaires…
Un petit mètre soixante, des longs cheveux noir soyeux, un visage aux traits si doux.
Elle porte un court top noir, et un mini short en jean encore plus court encore… Laissant à voir ses longues jambes nues irrésistibles.
Une fois ce tableau dressé, vous comprendrez quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’elle m’informa qu’elle était…musulmane !
En effet elle est indonésienne mais n’est pas originaire de Bali.
Elle vient d’une autre île, qui elle est à majorité musulmane, comme toute l’Indonésie.
Bali étant l’exception.
Siti parle un anglais très basique, et avec nos accents respectifs la communication est assez compliquée par moment !
Mais avec un peu de patience, nous arrivons à, globalement, nous comprendre. Suffisamment pour réussir à la faire rire !
Elle est venu à Bali avec une amie pour travailler. Le secteur touristique recrutant énormément ici. Et les moeurs plus légères sur cette île font que sa qualité de vie en tant que femme est évidemment bien meilleur. Son look en atteste…
Me poussant à plonger une tête dans la piscine, je l’invite également à faire de même.
C’est alors que je me moque abondamment d’elle, car elle m’avoue ne pas savoir nager !
Une Indonésienne !
Dans un pays constitué d’îles !!
Je fini par me rafraichir dans la piscine, avant de la rejoindre de nouveau.
Malgré nos soucis de communication, le courant passe bien.
Mon humour faisant son travail.
Je lui demande alors innocemment si elle ne souhaiterait pas voir ma chambre.
Et à ma grande surprise, sa réponse fut positive !
Mon pouls monte d’un cran.
Mais ce fut de courte durée.
A peine entrée dans ma chambre, elle prétexte de devoir se rendre à son travail, dans un bar.
Je n’insiste pas. Et je ne peux m’empêcher d’étancher mon amertume avec une cigarette.
Trop bon trop con pensais-je.
Ne m’avouant pour autant pas vaincu, je la relance dans l’après-midi pour lui demander si elle ne serait pas tentée pour manger un morceau ensemble dans la soirée.
Elle serait partante, mais elle risque de finir tard, vu qu’ils fêtent l’anniversaire de leur boss.
Mais le hasard faisant bien les choses, elle pourra se libérer plus tôt que prévu, vu que pour le gueuleton d’anniversaire, il y avait du porc, et donc confession oblige, ma Siti ne pouvait pas en manger.
Rendez-vous donc autour de 20h à mon hôtel.
Je la laisse me guider pour nous trouver à manger, à coups de « you are the local ! ».
Malheureusement, elle a beau vivre sur Kuta depuis plusieurs mois, elle ne connait toujours pas vraiment le coin.
Il faut dire qu’elle travaille 7 jours sur 7. Ce rythme infernal laisse peu de place à l’exploration.
M’informant qu’elle souhaite manger quelque chose de locale et pas chère, je me montre étonné qu’elle m’emmène sur Jl. Raya Legian, LA rue touristique de Kuta.
Nous longeons son trottoir de longues, très longues minutes, n’y trouvant évidemment que des restaurants pour occidentaux.
Elle trouve finalement quelque chose qui lui convient, et nous commande tout un tas de plats, dont le principal est un plat de poisson. Il est amusant de la voir parler dans sa langue maternelle. Et de sentir tout de suite que le traitement offert par la patronne du restaurant change quelque peu !
Siti me demande alors si cela me dérange si elle mange avec ses mains.
Moi, ouvert d’esprit, je lui informe que bien évidemment que oui, elle peut faire ce qu’elle veut.
Et bien on a beau penser avoir l’esprit ouvert, on peut lourdement se tromper !
Par manger avec les mains, j’imaginais manger avec retenu, en essayant d’être le plus « propre » possible, de ne pas en mettre partout, en utilisant 2 doigts par exemple.
Il s’est avéré en fait que c’était manger avec les mains comme le ferait un enfant de 2 ans : picorer à tous les plats, prendre des portions dans sa paume, utiliser cette dernière comme un véritable ustensile.
Cette image d’une adulte mangeant comme un enfant en bas âge n’était pas loin de me donner des haut-de-coeur.
Je ne fais pas ici de jugement de valeur, c’est culturel. Je fais juste part de mon impression, qui, les premières minutes, étaient d’avoir l’estomac retourné. Pour passer outre, je me suis concentré intensément quelques secondes, forçant mon cerveau à ne pas tenir compte de cette scène, de la considérer comme normale.
Le dîner se passe aussi bien que l’après-midi.
On déconne gentiment, on essaye de se raconter nos vies. En parallèle, je décortique le poisson présent au centre de la table, en épongeant chaque bouchée avec ma boisson tellement il est épicé.
Soudainement, une pluie dense s’abat sur Kuta.
Nous rapatrions ainsi en vitesse nos plats de la terrasse à la salle intérieur du restaurant.
Ce dernier fera d’ailleurs office d’abris de fortune pour de nombreuses personnes de passage.
Le courant a beau passer, je sens qu’il sera dur d’obtenir plus.
Nous nous quittons sous un ciel encore menaçant. Et sous l’oeil d’un local me demandant pourquoi je la laisse partir.
Because I’m not a jerk mate.
Sur le chemin du retour, la frustration est évidemment encore grande.
Mais bien vite, avec du recul, je me contenterais de cette rencontre.
Rencontre inopportune à souhait, et très enrichissante.
Une des choses les plus durs en voyage, à plus forte raison en mode backpacker où l’on bouge beaucoup et souvent, est de rencontrer des locaux. De réellement échanger avec eux.
Ce fut donc un vrai plaisir de passer ma dernière journée à Bali avec Siti.
De la découvrir, d’échanger avec elle, d’en apprendre sur sa vie, ses expériences, sa culture, son pays. Elle, jeune femme du bout du monde, vu de ma boussole de français. Deux âmes qui avaient une probabilité nulle de se croiser.
Tinder me permettra de déjouer pas mal les probabilités durant mon trip…
Trip qui avance.
Au revoir Bali, merci pour tout, ces 15 jours furent réellement intenses mais j’ai beaucoup appris.
Demain direction Singapour !
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