Needles And Pins – #04 – 2013
Me voici de retour en France depuis quelques semaines.
Atterrissage compliqué, mais surmontable.
Mais avant d’en arriver là j’ai encore pas mal de lignes à coucher sur papier.
Je finirais bien entendu le résumé de mes deux derniers mois en Amérique du Nord.
Je commence à m’y remettre assez tard, ayant pas mal d’autres projets à terminer sur le feu.
Allez zou, je reprends l’avion mentalement et c’est reparti !
Après donc ces quelques jours à Portland, je dois avorter le reste de mon voyage aux Etats-Unis pour régler mon problème de visa. A Vancouver. Cette ville ne me lâchera jamais.
Mais au moins, juillet est dans quelques jours, et c’est la période idéale pour s’y rendre.
Evidemment ce n’était pas dans mes plans d’y repasser, mais y retourner m’aura définitivement convaincu d’une chose : en période estivale, Vancouver est la meilleure métropole au monde.
Autant je la hais pour son hiver humide, autant pour l’été il est difficile de faire mieux.
La douceur de vivre des habitants est présente toute l’année, mais avec les beaux jours vous pouvez vraiment profiter pleinement de la ville, et de son environnement unique.
Le downtown a une atmosphère différente.
Et quoi de mieux que de se perdre dans Stanley Park, de longer English Bay ou bien encore de profiter du coucher de soleil depuis le front de mer de Kitsilano.
Je pourrais presque me voir y habiter quelques années.
Mais son hiver pluvieux balaye vite cette idée dans ma tête.
J’arrive un vendredi soir, et par chance l’Ambassade des Etats-Unis est ouverte le lendemain matin.
Je m’y rends donc, et tombe sur une queue énorme sur la rue adjacente.
Je me voyais déjà devoir patienter une bonne heure avant d’y rentrer…
Mais non ! Ils sont assez intelligents sur ce coup ces ricains.
Des agents de l’Ambassade sont présents à l’extérieur de l’enceinte, et viennent parler avec vous pour connaitre la raison de votre venue. Et dans le cas où votre demande peut se résoudre assez facilement, vous pouvez être pris en charge du début à la fin sur le parvis. Et ce fut mon cas.
La personne que j’ai en face de moi cependant ne peut pas me donner une réponse sûr à 100% sur le fait que oui ou non, je peux obtenir 90 nouveaux jours en visa touriste si je repasse la frontière le lendemain de la date où mes premiers 90 jours ont expiré.
Elle prend des renseignements à l’intérieur du bâtiment mais réponse identique.
J’ai juste eu droit à une photocopie d’adresses de sites internet, où je pourrais éventuellement y trouver des informations.
Je trouve cela quand même un peu fort de café, voir limite assez inquiétant, que personne dans l’Ambassade ne puisse me donner une réponse claire. Comme quoi le petit jeu des douanes et des frontières, ce n’est pas aussi carré que l’on peut croire.
En rentrant chez mon amie canadienne Mary, grosse session internet, où de site web en site web, j’en arrive à la même conclusion que l’Ambassade, à savoir, je ne peux être sûr de rien.
Sur le papier il est tout à fait possible d’obtenir à nouveau 90 jours de présence sur le sol U.S. Mais le douanier ayant le dernier mot, s’il est dans un mauvais jour, il peut toujours vous chercher des noises. Le Visa Waiver Program, comme ils l’appellent, n’étant pas fait non plus pour se cumuler à l’infinie.
Bon soit, je décide de retenter le coup.
Et si ça ne fonctionne pas, j’en profiterais pour me faire un petit roadtrip dans des régions du Canada où je ne me suis pas encore arrêté. Contre mauvaise fortune…
Je me retrouve ainsi logé gracieusement chez Mary, malgré la présence de son frère, revenu d’un long stage aux U.S.
Je m’entends bien avec lui, mais je n’arrive pas à percevoir le malaise que ressent Mary.
Du moins je l’ai ressenti, mais comme j’ai pu lui dire plus tard, au grand jamais je n’aurais pensé que c’était aussi grave.
Long story short comme on dit ici, on s’embrouille méchamment à distance.
Hasard de la vie, je me retrouve donc seul pour Canada Day le 1er juillet, alors que ce n’est pas les activités qui manquent à Vancouver. Or qu’il y a un an, j’étais dans ma ferme près d’Osoyoos, sans activité ou presque, mais entouré de potes !
Un peu dur à avaler, malgré une explication qui tend à me donner raison, mais la bonne ambiance générale qui découle du Canada Day fait que j’arriverais tout de même à en profiter.
Canada Day, c’est la fête nationale du Canada.
Des manifestations sont donc présentes dans toute la ville, avec comme chez nous, un feu d’artifice pour finir la journée.
Le feu d’artifice est la seule chose qui se rapproche de notre fête nationale.
Nous avons depuis longtemps perdu notre amour du drapeau, notre amour du vivre ensemble. Ainsi que le sentiment de chance et de fierté d’appartenir à une nation.
Ici, cela reste une fête populaire. Des rues bloquées pour des spectacles, et noir de monde. Les magasins, bars, cafés sont redécorés. Des drapeaux canadiens en toile, en papier, en plastique, en peinture.
Dans les airs, sur terre.
Dans les cheveux ou à même la peau.
La joie de vivre se lie sur les visages.
Le système d’intégration fonctionne ici à plein.
Les canadiens d’origines asiatique ou africaine font plaisir à voir.
Tous bariolés de rouge et de blanc, on ressent leur fierté, mais je dirais aussi qu’ils savent reconnaitre la chance qu’ils ont de vivre ici. Ou du moins ils aiment vivre ici. Peut être la simple magie du sol nord américain.
Malgré la forte immigration (de toute façon vitale au Canada), je n’ai vu aucun drapeau d’un autre pays. Et bordel, que c’est agréable. Sentir une unité. Sentir que le vivre ensemble est toujours possible, malgré sa couleur de peau, son accent ou sa religion.
Une telle unité m’aurait surement crée un sentiment de rejet si j’assistais à la fête nationale américaine. Avec leur patriotisme tellement aveugle malgré les dossiers nauséabonds sans fin qu’engendre ce pays.
Mais au Canada il est impossible de ressentir cela.
Il est pour autant exagéré de dire que c’est un pays de bisounours.
Mais dans leur célébration de leur fête nationale, on a beau être inondé de drapeaux canadiens, il n’y a pas de rejet. C’est bon esprit, bonne ambiance. De toute façon comment surfer sur du patriotisme/nationalisme lorsque votre drapeau représente une feuille d’érable !
Non cette journée m’a plus réchauffé le cœur qu’autre chose.
Et il aurait été bien dommage de rater cela.
Quelques jours plus tard, mon bus pour Seattle approche.
Je dois le prendre le vendredi à 6h50 du matin.
Ayant passé ces derniers jours dans des hostels, mon état d’esprit était à la chasse à la moindre économie. J’avais donc pour idée de passer la nuit du jeudi dans la gare en attendant mon bus, pour sauver quelques sous d’une nouvelle nuit en auberge.
Manque de bol, la gare routière de Vancouver ferme entre 3h et 6h du matin.
Je passerais donc ma nuit dans un Tim Hortons tout proche.
Le temps passe lentement, je somnole un peu.
Etrange atmosphère de passer une nuit ici, où le temps semble arrêté.
Le calme du coffee shop, le rythme coulant des employés qui nettoient toute l’enseigne.
Ces petites mains qui s’agitent dans un quasi silence, pour rendre au magasin un aspect neuf et propre pour le lendemain. La nuit noire n’étant qu’une phase de transition. Un peu comme si cette espace s’auto-régénéré de façon autonome, par ses propres mécanismes et agents.
Le magasin est en sommeil, et son organisme s’occupe de le remettre en état.
Quelques naufragés me tiennent compagnie.
Je fais connaissance avec une femme, 40 ans, elle aussi attendant un bus le lendemain.
Elle m’apprend qu’elle adore la France, et qu’elle s’y rend beaucoup en vacance.
Et que cela a commencé en regardant le Tour de France à la télévision, et en s’extasiant devant les si jolis coins où passe le Tour.
C’était intéressant d’entendre cela, car je ne croyais que moyennement au pouvoir « office de tourisme » du Tour à l’international.
Et bien en fait cela existe bien !
Après un dernier Boston Cream, je prends la direction de la gare.
Encore quelques dizaines de minutes à attendre, puis je peux enfin monter dans ce bus.
Ce bus qui me fera passer la frontière.
Ou pas.
Je connais la route, l’endroit, la procédure. Je suis véritablement en mode guerrier, couteau entre les dents, n’ayant qu’une envie, en découdre avec le douanier qui me sera attitré.
Je me suis fait cueillir à froid une semaine et demie plus tôt, mais là j’ai l’œil du tigre.
Le bus s’arrête à la douane, je suis un des premiers à en sortir et à me jeter dans le bâtiment.
Trois douaniers à l’intérieur, deux personnes devant moi.
Aucune attente, je fonce donc voir celui qui reste.
Une boucherie…
Cela aurait été un oral au bac, j’aurais eu les 20 points et les félicitations du jury.
Je ne lui laisse même pas le temps de commencer à parler, je sors tous mes papiers (assurance, billet d’avion retour, etc…). Je réponds du tac au tac à ses questions, en m’exprimant comme un chef et sans hésitations. Avec courtoisie et bon esprit.
Je me permets même de le corriger !
En effet il me rend mon passeport, me laisse partir, mais je lui indique que normalement je devrais obtenir un papier avant de quitter le poste frontière.
Il hésite un peu, et finalement me donne raison, et sort un petit carton blanc, le fameux Visa Waiver Program, ou exemption de visa. Ca y’est, me voilà de nouveau sur le territoire américain.
Une légère satisfaction, mais pas si grande, car le passage à la douane c’est tellement bien passé que dans un sens, c’est passé bien trop vite. J’avais trop la niaque, et c’était presque trop facile.
J’arrive sur Seattle vers 10h.
Si je voulais arriver si tôt, c’est que je souhaitais tenter ma chance en autostop pour rejoindre San Francisco.
Toujours dans cette idée d’économie qui ne me lâchera pas.
Mon budget était déjà limite à la base, avec toutes ces dernières imprévues cela ne me poussait pas à la dépense.
J’ai trouvé un bout de carton dans la rue, j’ai mon petit marqueur, avec qui je commence l’écriture d’un « s » majuscule.
Précisons que je n’ai jamais fait de hitchhiking dans le passé.
J’avais ainsi une grande envie d’essayer.
Avant de m’y mettre, je pensais bien que mon principal problème serait de trouver une bonne place.
Dans la direction que je souhaite, avec beaucoup de trafic.
Mais je n’ai pas vraiment eu le temps de faire de repérages.
Et Seattle à pied, sous le soleil et chargé, ça limite votre exploration !
Je finis par trouver la fameuse voie rapide I5, qui longe toute la côte ouest U.S.
J’essaye de trouver une bretelle, mais la seule que je trouve est pour l’accès nord.
Je me décide à tenter ma chance tout de même dans le pâté de maison.
Et c’est un vrai dépucelage que de devoir lever son carton et affronter le regard de la rue.
Les premières secondes sont très pénibles, la gêne est palpable. Mais bien vite, après quelques minutes, cette gêne s’en va, et vous vous focalisez sur le sourire. Le customer service Tim Hortons reprend du service !
J’essaye un, puis deux, puis trois différents spots, mais je me rend bien compte que je suis vraiment mal placé à chaque fois. Pire, je commence à ressentir une gêne dans la gorge, synonyme d’une probable crève à venir. Ma quasi nuit blanche n’a pas du aider à cela…
Je suis fatigué, j’ai faim, chaud, avec une gorge qui devient de plus en plus désagréable.
Il est temps de prendre une décision.
Je me lance dans la recherche d’un dernier spot, et si cela n’aboutit pas, j’irais réserver une nuit d’hostel.
Après une dizaine de minutes, je trouve enfin un bon endroit, proche d’une entrée pour l’I5 sud.
Mais je ne suis plus vraiment en état d’attendre des heures sous le cagnard.
Après une quinzaine de minutes, je lâche l’affaire.
Je laisse ma pancarte sur le trottoir, avec une certaine amertume, mais ma condition du moment ne me permet vraiment pas de faire plus. Je reste néanmoins content de moi. Je n’ai trouvé personne pour me prendre certes, mais j’ai affronté la partie la plus dure de l’autostop : faire le planton en pleine rue. Au final, trouver un lift n’est que la cerise sur le gâteau.
Je me traine jusqu’à un hostel, et vu comment ma voix commence à être prise, je me dis que j’ai pris la bonne décision en coupant court à ma tentative d’ hitchhiking.
Pour autant, j’ai vraiment aucune envie de payer un billet de bus plein tarif.
Je me reporte donc du côté du covoiturage.
Juste avant de quitter Vancouver, j’avais scruté un peu craigslist, et j’avais trouvé un rideshare intéressant qui partait le lendemain de mon arrivée à Seattle. C’est un gars avec un van, qui doit se rendre un peu à l’Est de San Francisco.
Il précisait bien dans son annonce qu’il ne comptait pas descendre la côte comme une flèche, mais plutôt de la descendre en prenant les petites routes, tranquillement, durant trois jours, en campant durant la nuit.
Moi cela me correspondait parfaitement. Je suis un peu là pour cela, découvrir des paysages, et non foncer tête baissée de ville en ville. $70 de gas. J’économiserais qu’une quarantaine de dollars à comparer à un billet de bus, mais le côté roadtrip de ce rideshare était bien plus excitant.
Je confirme donc à la personne qui a publié l’annonce que je viens avec lui, on se donne donc rendez-vous le lendemain.
La suite, ce fut trois jours incroyables et mémorables.
Qu’il me tarde de raconter ici 😉
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