Bury White
Le lendemain, dimanche d’automne sur Maroubra.
Non. Je déconne.
Les feuilles mortes ne tombent pas, et le soleil brulant toujours à son zénith.
Un bon jour pour flâner sur Sydney.
Les habitants sortent, font les magasins et remplissent les rues.
Les chanteurs des bords de trottoir les attendent dans les grands carrefours. Les artistes de rues également, vendants leurs toiles, leurs dessins pour trois francs six sous.
Me trouvant sur Pitt St, l’endroit est stratégique.
En effet, au croisement avec Market St, Pitt St devient une rue piétonne.
Ils appellent cela Pitt Street Mall, et vous y trouverez pleins de boutiques et magasins, dont certains avec des façades historiques, comme le déjà présenté ici Strand Arcade. C’est tellement hype et trendy que cette zone est tout simplement l’endroit où le prix de l’immobilier est le plus élevé d’Australie. Oui oui, rien que cela.
Intrigué par un espace vert aperçu lors d’un de mes trajets en bus, je décide de m’y rendre histoire de me coucher moins bête. Je remonte ainsi quelques blocs vers le nord est, pour atteindre Macquarie St.
Un morceau de verdure se détache du carrefour. Quelques pas plus loin, j’arrive à une entrée, celle du Royal Botanic Gardens. Ok, c’était donc juste cela !
A l’opposé du jardin, sur la rue d’en face, se trouve l’imposante Public Library. L’architecture est fortement inspirée des cités grecs antiques, mais construite avec une pierre locale orangé du plus belle effet.
D’une superficie de 30 hectares, les Royal Botanic Gardens disposent de plusieurs longs circuits pour les découvrir. Je suis un peu frustré car cela mériterais d’y consacrer une après midi, mais la fin de journée arrive déjà, je devrais donc me limiter à un rapide coup d’oeil.
Le temps de voir un banquet de mariage (encore un !), et quelques jardins très bien entretenus, avec des compositions florales aux couleurs vives et chatoyantes. Merci au gouverneur Macquarie d’avoir crée ces jardins botaniques en 1816 !
N’ayant booké que 3 nuits, je dois déjà plier bagage le lendemain. A regret évidemment, car l’appartement est top, comme l’emplacement, Maroubra. Bien qu’éloigné de 30 minutes du centre, ce n’est vraiment pas gênant.
J’ai réservé 3 nouvelles nuits dans un logement airbnb du côté de Banksia, à 15 minutes en train au sud ouest du CBD. Selon l’annonce et les commentaires, cela se présente plus comme une « maison dortoir », mais quand le prix est votre premier critère de sélection, on ne peut pas toujours gagner et trouver des annonces où vous vivez chez l’habitant.
Le matin suivant, j’arrive, avec un peu de temps, à faire mes sacs des plus proprement et à tout y faire rentrer sans trop de difficultés. Je commence à devenir bon pour cette tâche. Mon sleeping bag enfin solidement attaché en haut de mon backpack, cela aide également.
Frais comme un gardon, je prend le bus direction le CBD, et plus précisément Martin Place. Seul arrêt central qui désert la ligne (bleu) T4, et c’est celle dont j’ai besoin pour rejoindre Banksia.
Martin Place est une grande place, vide de commerces, et vide de vie plus simplement. Un étrange espace bétonné neutre au milieu des tours du centre ville. Endroit très prisé dès qu’il faut faire un rassemblement, une manifestation.
Mon nouveau logement n’est ainsi qu’à 15 minutes du CBD, mais encore faut il bien calculer son coup ! Le train qui y passe, celui qui vous amène sur la célèbre plage Bondi Beach à l’est, a une fréquence des plus réduites. Il passe environ toutes les demi heure, il faut donc bien se renseigner avant, ce qui n’est pas mon cas. Sur le quai souterrain, je profite ainsi des modernes panneaux publicitaires. Ecrans avec une image de toute beauté, histoire de profiter au maximum une publicité sur 3, d’un spot de recrutement pour l’armée australienne, façon Hollywood.
Eventually, mon train arrive.
Je descend à l’arrêt Banksia, pour tomber sur zone commerciale très banlieusarde. Dans le sens où on est loin du faste de Sydney, l’ambiance fait plutôt aire d’autoroute. Pas grand chose à y faire.
Sur le chemin me menant à Hattersley St, la rue que je recherche, je croise un grand liquor store. Bien, au moins si on a soif je saurais où me rendre…
La rue longe la voie de chemin de fer. Les maisons y sont toutes alignées, vaguement victoriennes, et ainsi toutes anciennes et décrépies, mais pour qui aime le vintage elles ont un certain charme. Avec leurs barrières en bois et leur mini véranda, où les mauvaises herbes prolifèrent.
Au milieu d’entres elles, un garage limite clandestin s’y trouve. Des voitures garés à l’arrache, des mécanos visiblement immigrés à l’oeuvre, devant une maison bricolée en atelier. Le charme des coins reculés et inattendus !
Bref, on est loin de l’esprit coloré et festif des petites maisons victoriennes de San Francisco, on oscille plus entre le creepy et le pittoresque, mais j’aime assez. Changer d’ambiance et découvrir d’autres choses est toujours intéressant.
Arrivé à destination, je tombe sur une maison comme celles détaillées plus haut. J’ouvre le petit portillon blanc, et sur la porte d’entrée, se trouve attaché sur une grille un cadenas, prolongé d’un boitier avec un clavier digicode dessus.
J’appuis sur les touches du clavier pour inscrire le code que l’on m’a donné par email, et comme par magie le couvercle du clavier s’ouvre, et à l’intérieur, comme convenu, je trouve les clefs. Très intrigant comme système, mais assez intelligent aussi.
En pénétrant dans l’appartement, je tombe sur un long couloir. Une porte à droite, ce n’est pas ma chambre, une porte à gauche, c’est pour moi. Ces dernières sont vraiment d’époque. Grandes et larges, en bois peint en blanc. La serrure est placée vraiment en hauteur, elle se trouve au niveau de mon épaule ! La clef à insérer est aussi d’époque. Longue et lourde, comme celles que vous devez utiliser pour ouvrir le grenier de votre grand mère.
Je découvre ma chambre, avec soulagement. Comme précisé dans l’annonce, la maison est ancienne, mais l’intérieur est rangé et propre. Ce qui est bien le cas. La moquette a vu du pays mais est clean, comme mon immense lit king size. Des murs au plafond, tout est en bois, et plutôt bien entretenu.
Ma fenêtre est aussi king size, et dispose de jolies vitraux multicolores.
Non franchement agréablement surpris. Moi qui m’attendais à tomber sur un trou à rat.
Du couloir, vous accédez ensuite à une sorte de salon, mais il n’est pas vraiment aménagé.
La pièce suivante est la cuisine, elle moderne et refaite à neuf. Comme la salle de bain qui se trouve plus loin sur la droite. Cerise sur le gâteau, un jardin de 30m2 se trouve après la cuisine. Très sommaire et pas vraiment entretenu, mais cela reste très plaisant d’avoir un bout de jardin et une petite terrasse, avec table et chaises. Ou peut être est-ce mon esprit fumeur qui parle.
Je découvre tout cela seul, pas âme qui vive dans les parages. Jusqu’à qu’une porte à gauche de la cuisine s’ouvre. Une jeune femme aux cheveux longs et blonds apparait. Elancée, souriante et avec les yeux bleus, j’ai presque envie de me pincer.
Je fais ainsi la connaissance de Valentina, une italienne. Dont j’apprendrais plus tard qu’elle est du même âge que moi, ce qui finira de nous rapprocher. Le courant passant très bien, dès les premiers instants, à se découvrir et à déconner.
Elle a fait ses études à Los Angeles, et après être rentrée en Italie, a souhaité reprendre un peu d’air au bout du monde, et à rechercher du travail dans son secteur, qui est la biologie marine. Cela reste compliqué pour elle, car son copain est toujours sur LA.
Pour se donner du temps dans sa recherche d’emploi, elle a booké sa chambre pour un mois. La propriétaire, Kelly, chinoise, étant conciliante, Valentina a réussi à obtenir une petite ristourne. Je la rencontrerais le lendemain.
Depuis mon arrivée à Sydney, tout le monde ou presque me parle des Blue Mountains. Une zone montagneuse pittoresque, à seulement 1h en train à l’ouest de la ville. Cela m’embête assez de faire l’aller retour dans la journée. De même que la perspective de payer des nuits d’hostels sur place.
A reculons, je commence à faire quelques recherches sur le site Helpx pour trouver des hôtes dans le coin. N’étant toujours pas dans un état d’esprit Manu Chao, cela me coûtais réellement de remettre les pieds sur ce site, et devoir faire toutes les corvées en échange du gîte et du couvert. Avec maintenant des hôtes qui sont presque dans ma tranche d’âge.
J’évite donc les annonces du type « live in a family », ne me sentant pas l’envie d’être dans la peau du jeune fille au pair de 18 ans, mais vu que cela concerne les 3/4 des profils je perd un peu mon semblant de motivation. J’envois tout de même des emails à gauche à droite, nous verrons bien.
Le temps ne m’attendant pas, les heures défilent, et la nuit noire s’est installée.
21h, il serait temps de sortir casser un peu la croute. Je m’attend à que cela soit un peu ardu, car comme décrit plus haut, le quartier fait plus industriel que commerçant.
Je sors explorer les environs, dans cette nuit chaude de fin d’octobre, vêtu d’un simple t shirt. Comme je l’imaginais, je tombe sur des grandes rues rectilignes sans vies, à peine éclairées. Un exemple parfait de food desert comme j’ai pu en trouver aux US.
Entre 2 banques, des salles de sports et des convenience stores fermés, dur de trouver quelque chose d’ouvert. Quelques rares fast food et restaurants de quartiers s’y trouvent tout de même, comme des naufragés sur leur planche de bois une torche à la main, englués dans cet océan urbain vide et sombre.
Je remonte toujours la rue. Déserte comme un jour d’apocalypse. Cette dernière est mon territoire. Seules quelques voitures roulants sur leur rail d’asphalte viennent discuter mon autorité.
Finalement j’arrive à croiser une ou deux âmes.
Toutes suspectes à mes yeux.
Que peut on bien venir chercher ici ?
Vous l’aurez compris, j’aime assez ces endroits sombres où le calme n’a rien de rassurant. Ces moments où il faut bomber le torse, se tenir bien droit et calquer l’expression de son visage sur celui de quelqu’un qui sortirait de prison. Un retour à notre moi primitif, sans devoir se trouver perdu au milieu d’une forêt.
Quelques petites épiceries chinoises sont ouvertes.
Rien vraiment à me mettre sous la dent. Par contre pour épicer de futurs plats c’est l’endroit idéal. Ca en est presque frustrant. En regardant tous ces sachets et toutes ces sauces, je m’imagine tous les plats succulents possibles à faire. Mais au final impossible de me faire quoique ce soi ce soir.
Tout au bout de la rue, une enseigne éclairée avec un M jaune m’appel. Bon je n’ai pas non plus envie de trainer ici toute la nuit donc on fera au plus simple. Comme le reste, il est posé là au milieu de rien, dans un calme environnant olympien.
Cette nuit chaude, ce quartier sombre et calme mais qui a l’odeur du traquenard, ce macdonald enfin, tout cela me fait penser à une de mes expéditions nocturnes sur Los Angeles. La fois où j’étais monter au Griffith Observatory pour pouvoir prendre en photo le panneau Hollywood. J’étais ensuite rentré de nuit, à pied, une heure durant, pour m’approcher de la première bouche de métro disponible. Avant de prendre ce dernier pour rejoindre mon hostel à Venice Beach (juste à l’opposé de la ville et où j’avais encore un bus a y prendre, en croisant les doigts pour qu’ils roulent toujours, aah folie de la jeunesse), je m’étais aussi arrêté me restaurer chez un ronald. Aujourd’hui je dois dire que tout collerais presque, et ce parallèle m’amuse assez. Faisant en plus remonter de bons souvenirs.
Durant le chemin du retour, ce léger mieux qui me transporte se matérialise assez vite. Les 3/4 de ma route sont effectués, je me crois tranquille, et c’est précisément à cet instant qu’un petit barbu aux larges épaules vient me demander quelques pièces. Les yeux un peu dans le vent mais globalement lucide. Peu importe. Au lieu de lui répondre par un classic « no sorry » des plus lisse, je me surprend à lui lâcher un bon gros « no sorry dUDE », avec un bon gros accent du coin venant de la gorge. Genre comme si on parlait de mâle alpha à mâle alpha. Ah ah. Tout moi quoi. En tout cas il ne trouvera rien à y redire, et continuera sa route, bientôt de nouveau happé par l’obscurité.
Ma chambre dispose d’un certain cachet dû à son âge, mais le revers de la médaille c’est qu’elle doit être ventilée constamment sans quoi une odeur de renfermé viendra vous gêner, voir vous donner un mal de tête comme durant ma première nuit.
Le jour suivant, fin de matinée, je profite d’une session internet sur mon lit pour aérer ma chambre. Ma fenêtre donnant sur la rue je ne peux pas la laisser ouverte durant mon absence. Une chance pour Guillaume et Kate, qui, voyant ma vitre ouverte, viennent toquer sur ma glace.
Ce couple franco-germanique a booké la chambre qui fait face à la mienne, mais ils éprouvent quelques difficultés à ouvrir la porte d’entrée. Le temps d’enfiler mon costume de justicier et je m’occupe de la situation.
Guillaume. Un anglais au top, un accent au top, une voix grave au top et une confiance en lui des plus envieuse. Mon dieu, je n’ai pas fait le Cours Florent mais il va falloir tout de même que je joue un sacré rôle pour essayer de rivaliser avec ce personnage.
Kate, un peu plus discrète, possède un français très convenable, mais est toujours en phase d’apprentissage. Il ne lui manque réellement que les petites subtilités au niveau de la compréhension. Guillaume s’en amusant assez. Par exemple un jour il me narre une histoire où il avait dû payer quelque chose beaucoup plus cher que prévu, et moi de lui répondre « ah oui ca pique! ». Kate, de relever, perdue, «ça pique ? ». Son mec, éclatant de rire, « tu vois c’est exactement le genre de truc qu’elle a du mal encore à comprendre ! ».
Plus tard dans la journée, un couple d’allemands viendra toquer à la porte. Les chambres étant toutes prises, la propriétaire les autorise à utiliser tout de même cuisine et salle de bain, en l’échange d’un peu de fraîche. Kelly étant très arrangeante… Le jeune couple voyage à travers l’Australie en van, ils passeront donc leurs nuits à l’intérieur du véhicule.
Voilà comment en quelques heures la muette petite maison se transforma en petit hostel privé, ambiance auberge espagnol. Pour mon plus grand plaisir. L’entre deux parfait entre une chambre airbnb où on peut se trouver un peu seul, et un hostel où vous devez partager votre chambre et votre quotidien sans jamais savoir sur qui vous allez tomber.
On est ici loin de l’idée initiale d’airbnb, à savoir louer une chambre chez un particulier. Mais j’ai envie de dire, fuck that shit. Pour le moment c’est exactement ce dont j’ai besoin, et cela ne gâche en rien mon plaisir de me remettre dans le bain des rencontres, par petites doses homéopathiques.
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