Blue Stripes
Le lendemain matin, le réveil est toujours aussi lourd en ressentiment.
Direction tout de même le CBD de Sydney.
Il est assez simple de savoir que l’on se trouve en Australie.
La faune et la flore locale n’ont vraiment rien à voir avec ce que l’on peut trouver chez nous.
Dans la rue, vous croisez des oiseaux colorés par dizaines, avec chacun un chant très caractéristique. Dont un qui est plus qu’irritant, car il ressemble plus à un mélange entre un cri d’un nourrisson et le bruit d’un vomissement. Je caricature à peine.
La végétation est elle aussi luxuriante, les arbres affichant fièrement des fleurs rouges ou violettes. Une douce odeur de fleur parcourt même certains endroits de Sydney. Bref, bienvenue dans le climat subtropical !
De retour à Circular Quay, mon point de ralliement fétiche, je me mets en tête de longer toute la baie ouest. Continuer donc après le Sydney Observatory où je m’étais arrêté la veille.
Passés Harbour Bridge et sa horde de jeunes mariés, j’atteins Barangaroo Reserve au bout d’une dizaine de minutes de marche. Petit parc sans réel charme, je décide donc de continuer mon exploration.
Le chemin qui longe ensuite la baie est partiellement en travaux et inaccessible. Ce qui tombe assez bien car il ne possède aucun abri, l’exposition au soleil est totale. Ce dernier a l’horizon entièrement dégagé aujourd’hui, et ne se prive pas de nous brûler si on passe plus de 10 secondes en dessous de lui. Pour la faire courte, je pourrais déjà changer de T-shirt. Et midi est à peine passé.
Pour continuer à suivre le front de mer, je me décale ainsi un peu et rentre plus à l’intérieur des terres, longeant une grande rue en construction. Le quartier entier est en chantier, en fait. Je me trouve ainsi à Darling Harbour, une zone où la municipalité de Sydney a lancé un grand projet immobilier, où les tours commencent à pousser un peu partout. Mais où du coup, à part du bruit et du béton frais, il n’y a pas grand-chose à y voir.
Je tombe tout de même sur une petite allée où la ville y dévoile, au moyen de grandes cartes et d’images, son plan pour ce quartier, en faisant ainsi l’un des plus modernes du pays. Des plaques expliquent les grandes lignes du projet, et sur l’une d’elles y est évoquée la vie de Barangaroo, femme aborigène de la fin du 18e siècle et qui donna son nom au quartier.
Il est ainsi intéressant de noter qu’après tant d’années de discriminations, de volonté de réécrire l’histoire en anéantissant le peuple aborigène, aujourd’hui le multiculturalisme l’a emporté. L’Australie, comme toute terre nouvelle, n’a pas de passé historique, et comprend peut-être enfin que la culture aborigène lui permet d’obtenir des racines plus profondes, avec une identité plus forte.
Évidemment, dans les faits et sur le terrain, les relations entre natives et Australiens sont loin d’être pacifiées. La mise en valeur systématique de la culture aborigène dans de nombreux domaines peut parfois prêter à sourire, comme une sorte de cache-sexe, mais c’est au moins cela. C’est au moins un processus qui tend vers le bon sens.
Je me re-faufile dans ces vastes rues en travaux, pour arriver à rejoindre la côte de Darling Harbour, et plus particulièrement Cockle Bay. Dans le passé, une zone de docks industriels. Aujourd’hui, un vaste front de mer touristique, longé de restaurants, avec vue sur la mer.
Si à Harbour Bridge on peut croiser des nouveaux mariés, ici à Cockle Bay ce serait plutôt des futurs mariés. Dans la foule de gens qui longent le front de mer, j’ai pu y trouver de nombreux groupes de filles, toutes très bariolées, en particulier souvent une d’entre elles, victime consentante de sa bachelor party.
Voyant des menus avec un prix abordable pour la formule du midi, je fais péter modérément le budget en m’installant dans un restaurant pour m’offrir un fish & chips et une bière du coin. Et aussi, un peu de climatisation, admettons-le.
Après avoir fait un peu de mathématiques pour me débarrasser de ma petite monnaie autant que possible, je continue mon chemin. Cent mètres plus loin, je tombe sur une grande place, toujours le long de la baie, qui fait office de centre de loisirs.
Ainsi, le temps du week-end, il s’y déroule un festival aux couleurs de l’Amérique du Sud, avec concerts et spectacles. Sur l’eau, vous pouvez observer différents navires et sous-marins de guerre australiens, de différentes époques et tous ouverts aux visites.
La satanée fatigue commence déjà à me tomber dessus, mais je compte tout de même pousser jusqu’à Sydney Fish Market. Il se situe à Pyrmont, quartier qui prolonge Darling Harbour.
Après quelques détours foireux, qui me feront découvrir tout de même le gigantesque bâtiment qui abrite le casino The Star, et surtout son arrêt de tramway qui se situe directement dans son sous-sol (!), je finis par atteindre Blackwattle Bay et son marché aux poissons. Chaque année, il s’y vend plus de 15.000 tonnes de produits de la mer.
Étals, restaurants, bar à sushis, bar à huîtres, le lieu vaut vraiment le coup d’œil.
En ce samedi, on s’y rend même en famille.
Les étals proposent des poissons et fruits de mer tous plus grands les uns que les autres. Avec des produits très exotiques, ou alors très éloignés de nos standards, comme des coquillages de la taille d’une main. Crabes, cigales de mer, homards et saumons, cela donne vraiment envie. Encore plus si vous laissez traîner votre regard sur les tables toutes proches des restaurants, qui vous concoctent des plats sublimes et originaux avec ces produits frais. La criée et les restaurants sont majoritairement tenus par des Japonais, ce qui rajoute à l’exotisme que je peux ressentir. On se sent assez en Asie et j’ai envie de tout essayer. Aussi bien dans les restaurants que sus les étals, où l’on peut vous cuisiner rapidement le produit que vous venez d’acheter.
Je quitte ce lieu d’épicuriens pour échouer quelques centaines de mètres plus loin à Wentworth Park. Fin de journée pour moi. Je profite de la présence proche de la ligne de tramway L1 Dulwich Hill pour me rapprocher du centre-ville. J’ai hésité à valider ma carte de transport en montant, mais j’ai dû sentir l’embrouille car durant le court trajet jusqu’à Central, une petite mamie chinoise qui portait un uniforme (bien trop grand pour elle) du réseau des transports de Sydney s’est mise en tête de traverser la rame et de biper les cartes de tout le monde avec son appareil.
Le jetlag toujours bien présent, il me sera difficile de rester éveillé durant le chemin du retour pour Guildford. Je m’assoupis et me réveille en cycle, me forçant à garder les yeux ouverts, quitte à avoir une tête étrange pour les autres passagers. Tout cela en vain. Je m’assoupis une dernière fois pile avant ma station, et rouvre les yeux seulement quelques minutes après. Damn, pourquoi, monde cruel ! Deux stations pour m’en rendre compte, avant de changer de train. Le décalage horaire ici, c’est copieux.
Le lendemain matin, dimanche 11 octobre, la météo s’annonce très bonne et Keith et Katy décident donc de se rendre à Palm Beach. Ils ne connaissent pas, c’est donc une bonne occasion. Cette plage est assez éloignée, elle se situe en effet tout au nord-est de la ville, bien plus haut que North Sydney.
De Guildford, nous en avons pour une bonne heure de route. Nous commençons par enjamber la baie de Sydney en empruntant Victoria Road, puis Burns Bay Road. Nous traversons ainsi des quartiers résidentiels assez semblables à celui que nous venons de quitter. Avec tout de même plus de verdure ainsi que de pavillons. Tout cela bien ordonné en damier, je vous rassure.
Katy s’éclate en écoutant sa playlist et je suis, pour ma part, pas trop dépaysé. Rien d’asiatique, mais au contraire beaucoup de titres américains ou anglais mondialement connus. Entre autres du Coldplay, avec une chanson en particulier à laquelle je n’avais jusque là que peu prêté attention, Fix You. Titre que je vais me repasser en boucle les jours suivants, tant il reflétait mon état d’esprit.
« When you try your best but you don’t succeed« .
On commence déjà fort mais c’est la ligne suivante qui me fait particulièrement mal.
« When you lose something you can’t replace« .
Elle me brise en deux, et j’espère un jour être amené à en parler ici.
Plus nous nous rapprochons de la côte, plus la route se fait petite, tortueuse, maintenant entourée d’une végétation dense. Les maisons se font plus cossues, et les marques des voitures garées à leurs pieds ne trompent personne.
Keith gare la voiture sur la route qui longe la plage, et nous voici enfin arrivés à Palm Beach. Le soleil est monstrueusement lourd, la température doit approcher facilement la trentaine de degrés. Une mer bleue déchaînée à l’horizon, encerclée d’un anneau de sable fin. Ce dernier, bouillant, est à la limite du supportable. C’est un peu comme marcher sur de la braise. Cette journée va être longue…
À plus forte raison qu’il n’y a aucun point d’ombre sur la plage, et que mes chers hôtes ont oublié d’amener un parasol, contrairement aux personnes déjà présentes sur la plage, plus prévoyantes. Ce n’est pas la grande foule et c’est très bien comme cela. Le gros de la clientèle doit se trouver à Bondi Beach, LA plage de Sydney, aisément accessible en seulement quelques stations de train sur la ligne ferroviaire est.
Keith étant aussi blanc que moi, sinon plus, nous nous barbouillons de crème solaire sur tout le corps avec joie. Direction ensuite l’océan tous ensemble, malgré le fait que Katy ne sache pas nager. Mais au final, personne n’en a vraiment besoin ici.
En effet, ce n’est pas pour rien que l’Australie est le paradis des surfeurs. Palm Beach ne déroge pas à la règle et ainsi, la mer balance sur la terre ferme des rouleaux incessants. Des vagues de plusieurs mètres.
Devant ces murs d’eau, impossible de nager, l’activité des locaux se résume à se tenir droit et à affronter les vagues. S’en prendre plein la tronche mais réussir à tenir. Puis lors de grosses vagues, se laisser prendre par leur force pour un plongeon et une arrivée express sur le sable de la plage. Entre deux gros rouleaux, un calme précaire peut se manifester. Je profite d’un de ces moments pour enfin pouvoir nager un peu. Jusqu’au moment où vous apercevez des fins rouleaux de vagues sur l’horizon, d’apparence inoffensive, mais au final pareil à des nageoires de requin qui, dans quelques centaines de mètres, deviendront des géants prêts à vous dévorer.
De retour sur nos serviettes de plage, Katy s’amuse de voir une femme totalement recouverte de vêtements pour se protéger du soleil, et de nous lancer avec le sourire : « She must be Chinese ».
Comme le résume bien Keith en parlant à sa compagne, « I’m burning here! ».
Cette dernière n’a pas l’air de vouloir bouger, mais nous deux, sexe fort s’il en est, n’en pouvons définitivement plus après seulement 10 minutes.
Nous nous dirigeons donc tous les deux en direction des premiers cafés du bord de plage, distants d’une cinquantaine de mètres. Histoire de cool down a bit tout en commandant des glaces. La partie ice cream du café est tenue par deux jeunes garçons, 14/15 ans, comme toute bonne série US !
Nous reprenons ensuite la voiture pour nous arrêter quelques kilomètres plus loin, à Barrenjoey Headland, plus précisément au pied de Barrenjoey Head Lighthouse. Il s’agit donc d’un phare, accessible via un sentier de 10 minutes. La température a un peu chuté et le soleil s’est un peu calmé, je ne vais pas m’en plaindre.
Dès le commencement du parcours, je tombe sur une faune typiquement australienne. Des espèces d’oiseaux que je ne vois habituellement que dans des documentaires, des hybrides étranges, comme une sorte de dindon croisé avec un vautour. Je kiffe comme un enfant que l’on emmènerait pour la première fois au zoo.
Le chemin devient de plus en plus ardu, il faut enjamber de grosses pierres, encerclés par une flore étrangère qui m’inspire. De la marche, des paysages et me voilà content. Je suis dans mon élément. Des tas de trucs ne vont pas depuis mon arrivée mais au moins, crapahuter dans la nature reste quelque chose que j’aime par-dessus tout. Ce n’est pas grand-chose, mais on partira de là pour se reconstruire.
Je mitraille à tout-va avec mon objectif et plus je prends de la hauteur, plus l’horizon se dévoile et nous offre des points de vue enchanteurs. La vue devient en effet intéressante car Palm Beach est coupée en deux : une plage de sable fin avec une mer agitée d’un côté, et de l’autre, un mince filet de sable grisâtre, avec une mer en paix où les embarcations préfèrent évidemment mouiller.
Arrivé au sommet, le Barrenjoey Head Lighthouse prend toute sa dimension, après l’avoir vu si petit en contrebas. Ce phare, opérationnel en 1881, n’est pas peint, les roches très colorées locales suffisant amplement à le magnifier.
Un panorama se trouve quelques mètres plus loin pour pouvoir observer les baleines. Malheureusement, ce n’est pas la bonne saison pour espérer en croiser, néanmoins la vue reste captivante, avec un horizon très dégagé donnant sur l’Océan Pacifique, et sur les quelques îlots de terres présents.
Le ciel commence doucement à se couvrir.
Le temps de redescendre, de remonter en voiture jusqu’à la plage, et les premières gouttes tombent. Petite pause sandwich dans un des cafés locaux et la grosse averse nous tombe dessus… Et nous tiendra compagnie le reste de la journée. Voilà. Comme ça. En même pas une heure de temps, la météo nous a gratifié d’un virage à 180 degrés. C’est aussi ça, les joies d’un climat subtropical…
je rattrape un peu mon retard sur tes articles. 😉
J’espère que le moral revient et que tu trouves tes marques.
biiz